Sophie Herfort, l’auteure de Jack l’Eventreur, a 30 ans. Professeur de français, elle a par ailleurs consacré près de 20 ans ? traquer l’identité de Jack. De ses propres aveux, Sophie Herfort est restée un peu gamine. Les fantômes ne lui font pas peur, mais elle avoue volontiers laisser de temps en temps la lumière allumée lorsqu’elle se couche !
Portrait / interview inédit d’une personne extrêmement sympathique, drôle, joviale, franche et savoureuse.
Deedee : Vous avez planché sur le cas de Jack l’Eventreur pendant près de 20 ans. Comment expliquez vous une telle fascination, finalement proche de l’obsession ?
Sophie Herfort : J’avais 11 ans lorsque j’ai fait la « connaissance » de Jack l’Eventreur. A l’époque, on ne parlait pas du tout des tueurs en série. Tout a donc commencé un peu par hasard lorsqu’en 1988, je me suis trouvée devant une réalisation de David Wickes consacrée ? Jack l’Eventreur. J’ai été immédiatement subjuguée par cette affaire que je découvrais, notamment parce que dans ce téléfilm, le réalisateur choisit de donner ? Jack un visage… me donnant par l? même l’envie d’aller plus loin et de vérifier sa théorie.
Presqu’au même moment, j’ai eu l’occasion de lire Les grands criminels d’Alphonse Boudard. J’ai été tout de suite intriguée autant que passionnée par ce livre qui narre la traque d’un certain nombre de tueurs en série et leurs illustres procès sous la férule des célèbres ténors du barreau Maîtres Floriot (affaire petiot) et Moro Giafferi (affaire Landru). Parmi toutes les affaires policières présentées, le cas de Jack l’Eventreur m’interpella une fois de plus : depuis plus d’un siècle, un nombre absolument incroyable de suspects ont été désignés mais in fine, qui connaissait la véritable identité de Jack ?
Ce double événement a indéniablement été un choc pour l’enfant que j’étais. Ils ont laissé la place ? une obsession latente pour Jack l’Eventreur, que je ne qualifierais pas d’attirance malsaine, mais plutôt de vive curiosité, de passion.
Deedee : Vous dites en préambule du livre que dans une certaine mesure, cette affaire a influencé votre vie. Comment s’accommode-t-on d’un quotidien avec Jack l’Eventreur pendant tant de temps ?
Sophie Herfort : même si la plupart de mes proches m’ont énormément soutenue, ils n’ont pas toujours compris la fascination et l’entêtement dont je faisais preuve dans la résolution de cette affaire. Ils ont vraiment été soulagés lorsque le livre a enfin été terminé !
Pour être tout ? fait honnête, je crois que je peux dire que Jack a mangé ma vie. J’ai été victime de ma passion, gouvernée par mon obsession : le jour, je vivais ma vie « normalement » quand le soir, l’enquête m’accaparait ? 100%. J’éprouvais véritablement le besoin d’aller jusqu’au bout de cette affaire, de collecter les preuves et d’en tirer les conclusions qui lèveraient enfin avec certitude le voile sur la véritable identité de Jack l’Eventreur. J’ai même été amenée ? expérimenter des choses tout ? fait incroyables pour les besoins de l’enquête, comme assister ? une séance de dissection par un médecin légiste ? l’hôpital de Garches… Effrayant !
Pour autant, je suis une fille plutôt optimiste, enjouée et positive. Mener cette enquête m’a paradoxalement donné envie de vivre, d’aller de l’avant.
Deedee : Bien sûr, vous avez dû exulter le jour où vous avez eu la certitude de l’identité de Jack l’Eventreur. Mais en même temps, n’avez-vous pas été aussi un peu frustrée ?
Sophie Herfort : C’est très bizarre ? exprimer, mais le jour où le projet a été terminé, j’ai ressenti un réel soulagement. Comme si après avoir accaparé ma vie pendant près de 20 ans, Jack pouvait enfin en sortir et me laisser, enfin – je le répète- en profiter pleinement ! Je finissais par avoir comme une boule dans le ventre tant la pression engendrée par cette enquête était importante, et je l’avoue, j’ai été maintes fois sur le point de tout laisser tomber, et puis… il fallait que je termine, c’était en quelque sorte plus fort que moi.
Avec cette page qui se tourne, j’ai la sensation de vivre pas moins qu’une autre naissance, pleine de promesses et de projets.
Deedee : Ne regrettez-vous pas de ne pas avoir vécu un siècle plus tôt pour résoudre cette énigme et pouvoir être confrontée avec le meurtrier ?
Sophie Herfort : Oh si ! D’abord, parce que j’aime beaucoup le XIXème siècle, j’aurais aimé y vivre, et ensuite, parce que le personnage de Jack m’a en quelques sortes émue ? certains moments. Les spécialistes qui se sont penchés sur son cas ont émis nombre d’hypothèses. Pour ma part, je crois que Jack a regretté ses agissements, qu’il n’a pas totalement assumé ce qu’il a fait. Les indices qu’il disséminait dans ses lettres le prouvent d’ailleurs : « attrape moi si tu peux », on est dans le jeu, dans la traque du chasseur qui d’un côté, se sent supérieur au point de se compromettre, du moins un tant soit peu, en taquinant l’autorité, et d’un autre, il avoue ses faiblesses, comme si une part de lui souhaitait être démasquée. J’aurais indéniablement aimé être confrontée ? ce personnage.
Je dois dire qui plus est que j’aime beaucoup fouiner, traquer, explorer les pistes qui s’offrent ? moi, et vivre ? Londres ? cette époque aurait été une expérience formidable, c’est certain.
Deedee : Maintenant que vous avez élucidé ce mystère, y a-t-il d’autres énigmes que vous souhaitez résoudre ? D’autres projets que vous envisagez ?
Sophie Herfort : Résoudre des énigmes, je ne crois pas. J’ai surtout une envie folle de voyager, particulièrement ? Calcutta ou ? Londres (NDLA : ahah, les villes de Jack l’Eventreur !). D’ailleurs, c’est drôle : si je me déplace très régulièrement ? Londres, je n’ai jamais osé encore me rendre en Inde… Ce sera peut-être bientôt chose faite.
(Sophie Herfort a entendu mon gloussement teinté de curiosité ? l’évocation de ces deux villes) Oui, je vous l’accorde, Calcutta et Londres sont les villes où Jack vécut, mais ça n’est pas ce qui motive mon désir de m’y rendre. Du moins pas entièrement. D’une part, je suis très attirée par le passé colonial britannique, et d’autre part, j’ai vraiment envie de me rendre utile, en enseignant le français par exemple ? l’étranger. Et puis… Il n’est inscrit nulle part que nous devons rester l? où nous sommes nés !
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